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La ville de Nantes, située sur les rives de la Loire, est l’une des plus grandes métropoles françaises et un pôle économique et culturel majeur.
Pourtant, malgré son histoire étroitement liée à celle de la Bretagne, elle n’en fait plus officiellement partie depuis la réforme territoriale de 1955.
Cette situation, qui peut sembler paradoxale, soulève de nombreuses interrogations et suscite des débats passionnés entre les partisans d’une intégration de Nantes à la région Bretagne et ceux qui défendent sa place en Pays de la Loire.
Nous tenterons de comprendre les raisons qui ont conduit à cette situation et les enjeux qui entourent la question de l’appartenance de Nantes à la Bretagne.
Un peu d’histoire : de la fondation de Nantes à l’union de la Bretagne et de la France
Pour bien saisir les raisons de cette séparation entre Nantes et la Bretagne, il convient tout d’abord de faire un retour sur l’histoire de ces deux entités.
La fondation de Nantes remonte à l’époque romaine, où la ville était connue sous le nom de Condevincum. Elle devint ensuite un centre politique et religieux important au cours des siècles suivants, avec l’établissement de la dynastie des comtes de Nantes. Au IXe siècle, la ville fut rattachée au royaume de Bretagne, dont elle devint rapidement l’une des principales cités. Le mariage de la duchesse Anne de Bretagne avec le roi Charles VIII de France en 1491, puis avec le roi Louis XII en 1499, marqua le début de l’union de la Bretagne et de la France. Néanmoins, la Bretagne conserva une large autonomie jusqu’à l’édit de 1532 qui consacra son rattachement définitif au royaume de France.
À partir de cette date, Nantes continua de jouer un rôle central dans l’histoire de la Bretagne, notamment en tant que capitale du duché jusqu’à la Révolution française, et en tant que principal port de la région, participant activement au commerce tripartite avec les colonies françaises d’Amérique et d’Afrique. Toutefois, les bouleversements politiques et administratifs de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle allaient progressivement éloigner Nantes de la Bretagne.
Une séparation progressive : la création des départements et la réforme territoriale
La première étape de cette séparation intervint avec la création des départements en 1790, qui redessina les contours des anciennes provinces françaises. La Loire-Inférieure, dont Nantes était le chef-lieu, fut ainsi créée par découpage de l’ancienne province de Bretagne. Bien que cette nouvelle entité administrative incluait une partie du territoire breton, elle s’étendait sur des terres situées au sud de la Loire, auparavant rattachées à la province du Poitou.
La deuxième étape, sans doute la plus importante, fut la réforme territoriale de 1955, qui divisa la France en 22 régions. Dans ce nouveau découpage, la région Bretagne fut constituée des départements des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), du Finistère, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Nantes et la Loire-Inférieure furent quant à elles intégrées à la région Pays de la Loire, avec les départements du Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe et de la Vendée. Cette décision, prise par le gouvernement de l’époque, suscita de vives réactions et fut à l’origine d’un débat qui perdure encore aujourd’hui.
Les raisons de la séparation : enjeux politiques et économiques
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la décision de séparer Nantes et la Loire-Inférieure du reste de la Bretagne. Tout d’abord, il est important de souligner que la réforme territoriale de 1955 avait pour objectif principal de renforcer l’efficacité de l’administration française en créant des régions à la fois cohérentes sur le plan géographique et économique. Dans cette perspective, la création de la région Pays de la Loire permettait de regrouper des départements aux caractéristiques similaires, notamment en termes de dynamisme économique et de développement industriel.
De surcroît, il convient de rappeler que la France de l’époque était marquée par un fort centralisme, qui se traduisait par une volonté d’affaiblir les anciennes provinces et leurs particularismes. Le découpage de la Bretagne et de la Loire-Inférieure répondait ainsi à cet impératif politique, en diluant l’influence de la région bretonne et en renforçant le rôle de la préfecture de Nantes dans le nouvel ensemble régional.
Enfin, il est intéressant de noter que la création des régions françaises s’est accompagnée d’une volonté de mettre en valeur la diversité culturelle du pays. Dans ce cadre, la séparation de Nantes et de la Bretagne peut être perçue comme une affirmation de l’identité propre du Pays de la Loire, qui se distingue par une culture et un patrimoine spécifiques, différents de ceux de la Bretagne.
Les conséquences de la séparation : un débat toujours vif
Depuis la réforme de 1955, la question de l’appartenance de Nantes à la Bretagne n’a cessé de susciter des débats et des controverses. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer cette situation, considérée comme une « amputation » de la Bretagne et une négation de l’histoire et de la culture bretonnes. Plusieurs initiatives ont ainsi vu le jour pour réclamer la réunification de Nantes et de la Bretagne, notamment à travers des manifestations, des pétitions et des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics.
Ces revendications se fondent sur plusieurs arguments. Tout d’abord, l’histoire millénaire de Nantes et de la Bretagne est souvent mise en avant pour souligner l’incohérence de leur séparation. De nombreux symboles et monuments nantais témoignent en effet de cette appartenance historique à la Bretagne, comme le château des ducs de Bretagne ou encore la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul.
Ensuite, la question identitaire est au cœur du débat. Les partisans de la réunification considèrent que la séparation de Nantes et de la Bretagne a contribué à affaiblir la culture bretonne et à en diluer les spécificités. Ils estiment que la réunification permettrait de préserver et de promouvoir cette identité culturelle, notamment à travers la langue bretonne, le patrimoine architectural et les traditions populaires.
Enfin, certains avancent des arguments d’ordre économique et géopolitique pour défendre la réunification. Ils considèrent que la réintégration de Nantes dans la Bretagne permettrait de renforcer le poids économique et démographique de la région, en faisant de Nantes un pôle majeur pour l’innovation, la recherche et le développement durable. Cette réunification créerait une région plus cohérente sur le plan géographique, en rétablissant les liens entre les territoires situés de part et d’autre de la Loire.
Face à ces revendications, les défenseurs de la situation actuelle mettent en avant plusieurs éléments. Ils estiment que la séparation de Nantes et de la Bretagne a permis de créer une région Pays de la Loire dynamique et compétitive, qui a su se démarquer par son excellence dans des domaines clés comme l’industrie, l’agriculture ou encore le tourisme. Ils considèrent que les liens entre Nantes et la Bretagne ont évolué au fil des décennies, et que la ville a désormais développé des relations privilégiées avec d’autres territoires, notamment le Grand Ouest et l’arc atlantique.
De surcroît, certains mettent en avant le risque de tensions et de rivalités entre Nantes et Rennes, la capitale actuelle de la Bretagne, en cas de réunification. Ils craignent que cette situation ne nuise à la cohésion et à la gouvernance de la région, en alimentant des querelles de pouvoir et d’influence.
Enfin, il convient de noter que la question de la réunification de Nantes et de la Bretagne s’inscrit dans un contexte plus large de réflexion sur l’organisation territoriale de la France et l’avenir des régions. Les réformes territoriales successives, notamment celle de 2015 qui a réduit le nombre de régions métropolitaines de 22 à 13, ont relancé le débat sur la pertinence et l’efficacité de ces découpages, et sur la nécessité de repenser l’équilibre entre les différents niveaux de gouvernance (local, régional, national).
La question de l’appartenance de Nantes à la Bretagne soulève des enjeux historiques, culturels, économiques et politiques complexes, qui continuent de diviser les opinions et de nourrir les débats. Si la réunification apparaît comme une revendication légitime pour une partie de la population, elle n’est pas sans susciter des interrogations et des inquiétudes quant à ses conséquences sur l’équilibre et le développement des territoires concernés. Face à ces défis, il apparaît essentiel de poursuivre le dialogue et la réflexion, afin de construire un avenir commun qui respecte et valorise la diversité et la richesse des cultures et des identités régionales.